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Stéphanie Pioda

Sarah Belmont

Valérie Belmoktar

Louis Doucet

Jean-Pierre Chambon

Benjamin Bardinet

Stéphanie Pioda

Sarah Belmont

Valérie Belmoktar

Louis Doucet

Jean-Pierre Chambon

Benjamin Bardinet



Stéphanie Pioda
Historienne de l'art et critique d'art
Texte pour la catalogue de l'exposition de Thibault Laget-Ro, « Entre deux rives »

Élever l'esprit

Partir. Quitter son pays. Fuir un conflit, un marasme économique ou une désertification des terres. Les nouveaux exodes se multiplient aux quatre coins de la planète et relient des communautés par une destinée qui donne naissance à des récits pluriels qui ont cependant tant de similitudes, à commencer par le rêve et le désir d'un ailleurs plus prospère, la quête d'un Eldorado aux contours flous. La prolifération de ces Ulysses des temps modernes – ne décrit-on pas le héros de l'Iliade et l'Odyssée d'Homère comme le premier migrant de l'histoire ? – s'accompagne de drames auxquels les sociétés contemporaines demeurent outrageusement sourdes. Des Homères tentent de recueillir les mots de ces migrants anonymisés, des mots qui décrivent des aventures chaotiques d'une violence inouïe et qui relaient des épopées bien loin de la geste et de la grandeur de celle du roi d'Ithaque. Fantasmes et désillusions se percutent de plein fouet.

Alors, en tant qu'artiste, comment témoigner ? Comment sensibiliser sans être cru et voyeuriste ? Voilà plus de dix ans que Thibault Laget-Ro s'est attaqué au sujet armé de son pinceau guidé par une réflexion sur la liberté et ses limites imposées. Après s'être focalisé sur les rives de la Méditerranée bouleversées par les Printemps arabes de 2011, il change ici de focale comme il le précise : « En 2019, comme un écho, la ''caravane hondurienne'' partie d’Amérique centrale rejoint la ville frontalière de Tijuana au Mexique et déclenche une vague de marcheurs sans précédent vers l’Eldorado américain. » Le cadre est posé autour de ces travailleurs agricoles, mais en tant qu'artiste donc, il n'est pas question d'être un témoin objectif et de décrire des faits. Il n'est ni journaliste, ni documentariste. Le privilège de l'artiste – et peut-être tout simplement son rôle – est de prendre une certaine distance même s'il part de photographies et de scènes existantes. Il les transpose et les transfigure dans son propre espace pictural.

Pour cela, Thibault Laget-Ro crée une rupture avec le réel, avec notamment sa palette de couleurs. Acidulée, pop et séduisante, elle est en opposition avec la gravité du thème représenté et complètement déconnectée de tout mimétisme avec la nature. Le traitement du ciel est le plus significatif puisqu'il peut être jaune, violet, vert, rouge ou bleu. La nouveauté dans cette série est l'introduction d'un dégradé qui n'est plus en douceur et suivant la progression de l'arc-en-ciel, mais contre nature, en passant du rose au jaune par exemple. « Le dégradé est devenu plus vaporeux, nuageux, ce qui donne plus de puissance et de force au ciel », et l'anime d'une vibration incandescente pourrait-on compléter. Cette manière de peindre provoque un sentiment d'étrangeté renforcé par la superposition de temporalités dans un même tableau, qu'elles suggèrent le passage du temps – comme dans L'équilibre sur une branche où deux stades de floraison cohabitent sur deux plans de la scène – ou qu'elle fasse cohabiter les sphères humaine et mythologique. Ainsi, dans le diptyque Les Fils des Titans voit-on dans le panneau de gauche des travailleurs dans un champ avec au premier plan un homme qui brandit une lampe et dans le panneau de droite, trois géants en train de manger une part de pizza. La scène peut paraître incongrue car parmi ces fils des Titans se trouve Zeus (le premier), celui qui a combattu et détrôné son père, Chronos, et celui à qui Prométhée a volé le feu pour le donner aux Hommes. Suite à cet épisode, tout bascule pour ces derniers. De rage, tout en condamnant Prométhée à ce qu'un aigle lui dévore infiniment le foie (qui se régénère chaque jour), Zeus punit les Hommes en envoyant Pandore qui, poussée par une curiosité dévorante, cède à la tentation d'ourvir cette boîte contenant tous les maux de l'humanité qui se répandent sur la terre (maladies, vieillesse, guerres, famines, orgueuil, misère, tromperie...). Elle a tout juste le temps de la refermer avant que ne s'échappe l'espérance. Depuis, les humains doivent travailler dur pour se nourrir et se vêtir pour se protéger du froid. Fin de l'Âge d'or ! Si le monde est devenu aride, il n'est pas pour autant triste. Les pierres que portent les personnages dans Le monde des pierres, renvoient « aux fardeaux qu'il faut quitter au fur et à mesure qu'on avance, les frustrations, l'angoisse de devoir partir et de tout quitter ». La boîte de Pandore a été réouverte pour qu'enfin se répande l'espérance !

En introduisant ce parallèle avec la mythologie, Thibault Laget-Ro met en perspective les drames des travailleurs sud-américains qu'il déplace dans un contexte plus universel, d'où ces visages sans traits dont certains portent un masque. « Au départ, le masque couvrait la totalité du visage car je voulais parler des migrants qui se réinventent une vie et une identité. Certains brûlaient leurs papiers pour se présenter aux autorités comme Syriens, une nationalité qui permet d'obtenir plus facilement l'asile politique que s'ils se présentaient comme Irakiens. Ensuite, lorsque j'ai commencé à travailler sur le continent sud-américain, le sens du masque a évolué. Là-bas, les catcheurs, qui dans la vie sont des gens ordinaires – maçons, boulangers, policiers... – , accomplissent des choses extraordinaires dès lors qu'ils se parent de ce masque. Ils deviennent quelqu'un d'autre. Je l'ai simplifié au fur et à mesure pour qu'il ne recouvre plus que les yeux. » Cette simplification du masque mais aussi la schématisation des éléments du paysage font de chaque forme un signe, un idéogramme qui désigne une humanité hors du temps. Esclaves modernes soumis par des propriétaires terriens bien souvent tyrans, les travailleurs ont le droit de désirer autre chose, surtout parce qu'ils peuvent se révolter contre l'injustice comme Zeus s'est rebellé contre Chronos, et comme Prométhée contre Zeus.

Cela se traduit dans les œuvres de Thibault Laget-Ro par une dualité qu'il manie tels des oxymores : il dépeint des féeries et des jardins d'Eden habités d'animaux fantastiques (Les oiseaux et Cache-cache), où les hommes ramassent des fruits luminescents précieux (Les boules de cristal), mais où le doute persiste quant au sort de ces trois hommes qui avancent d'un pas sûr dans les hautes herbes vers un but précis : vont-ils être engloutis par La vague qui pointe juste derrière eux ? Cet homme qui agite une lampe au premier plan des Fils des Titans veut-il attirer d'autres personnes ou au contraire les faire fuir ? Cet individu sur L'équilibre sur la branche est-il prêt à s'envoler ou à tomber ? On peut tirer le fil de ces dualités en listant les couples opposés qui apparaissent en filigrane : dieux/hommes, puissants/dominés, homme/nature, occident/colonies, hommes libres/esclaves, frontières/migrants, vivants/morts...

Thibault Laget-Ro ne se pose pas en donneur de leçon ni ne tranche. Il invite au débat et au questionnement tout en réintroduisant la dimension humaine. Il joue de l'ambiguïté entre le rêve et la réalité, les deux étant tellement imbriqués qu'il n'est plus possible de les démêler. Les personnages, tels des caméléons (Cache-cache), se fondent dans un paysage qui finit même par sortir du cadre pour envahir l'espace de l'exposition (La forêt de lianes). L'artiste relie les individus, les deux mondes, les deux rives, l'espace pictural et réel. Une lecture humaine et humaniste qu'il porte et partage avec générosité. Une invitation à rêver...

Stéphanie Pioda
Art historian and art critic
Text for the catalogue of Thibault Laget-Ro’s exhibition “Between Two Shores”

Elevating the Spirit

To leave. To quit one’s country. To flee a conflict, an economic collapse, or land turning to desert. New exoduses are multiplying across the planet, linking communities through a shared fate that gives rise to plural narratives—stories that nonetheless share countless similarities, beginning with the dream and desire for a more prosperous elsewhere, the pursuit of an Eldorado with blurred contours. The proliferation of these modern-day Ulysses—after all, is not the hero of Homer’s Iliad and Odyssey described as the first migrant in history?—comes with tragedies to which contemporary societies remain outrageously deaf. New Homers try to gather the words of these anonymized migrants, words describing chaotic journeys of unspeakable violence, relaying epics far removed from the grandeur of the king of Ithaca. Fantasies and disillusionment collide head-on.

So, as an artist, how does one bear witness? How does one raise awareness without becoming crude or voyeuristic? For more than ten years, Thibault Laget-Ro has tackled this subject armed with his paintbrush, guided by a reflection on freedom and the limits imposed upon it. After focusing on the Mediterranean shores shaken by the Arab Spring of 2011, he shifts his lens here, as he explains: “In 2019, like an echo, the ‘Honduran caravan’ that left Central America reached the border city of Tijuana in Mexico and triggered an unprecedented wave of walkers heading toward the American Eldorado.” The framework is set around agricultural workers, but as an artist, his role is not to be an objective witness nor to describe facts. He is neither journalist nor documentarian. The privilege of the artist—and perhaps simply his role—is to take a certain distance, even when working from photographs and existing scenes. He transposes and transfigures them into his own pictorial space.

To achieve this, Thibault Laget-Ro creates a rupture with reality—particularly through his palette. Acidic, pop, and seductive, it stands in stark contrast with the gravity of the subject and is completely disconnected from any natural mimicry. The treatment of the sky is the most emblematic: it may be yellow, purple, green, red, or blue. A new element in this series is the introduction of gradients that no longer follow the soft, rainbow-like transitions of nature but instead shift against it—passing, for example, from pink to yellow. “The gradient has become more vaporous, cloud-like, which gives greater power and strength to the sky,” animating it with an incandescent vibration. This technique induces a sense of strangeness, reinforced by the superimposition of different temporalities in a single painting—whether suggesting the passage of time, as in Balance on a Branch, where two stages of flowering coexist on two planes, or by making human and mythological spheres coexist. Thus, in the diptych The Sons of the Titans, the left panel shows laborers in a field, with a man in the foreground holding up a lamp, while the right panel depicts three giants eating slices of pizza. The scene may seem incongruous, for among these sons of the Titans stands Zeus himself—the one who fought and dethroned his father, Cronus, and the one from whom Prometheus stole fire to give to humankind. From that moment, everything changed for humans: enraged, Zeus condemned Prometheus to have his liver endlessly devoured by an eagle (it regenerated each day) and punished humankind by sending Pandora who, driven by raging curiosity, yielded to the temptation of opening the box containing all the evils of humanity—disease, aging, war, famine, pride, misery, deceit… She barely had time to close it before hope escaped. Since then, humans have had to labor hard to feed and clothe themselves. End of the Golden Age! If the world became arid, it did not become joyless. The stones carried by the figures in The World of Stones refer to “the burdens one must shed as one moves forward—frustrations, the anxiety of leaving everything behind.” Pandora’s box has been reopened so that hope may spread again.

By introducing this parallel with mythology, Thibault Laget-Ro places the tragedies of South American workers into a broader, universal context—hence the faceless figures, some wearing masks. “At first, the mask covered the entire face because I wanted to speak of migrants reinventing their lives and identities. Some burned their papers to present themselves to authorities as Syrians, a nationality that made political asylum easier to obtain than if they claimed to be Iraqi. Later, as I began working on the South American continent, the meaning of the mask evolved. There, wrestlers—who in daily life are ordinary people: masons, bakers, policemen…—accomplish extraordinary things once they don the mask. They become someone else. I simplified it so that it now covers only the eyes.” This simplification of the mask, along with the stylization of landscape elements, turns each form into a sign, an ideogram referring to a humanity outside of time. Modern slaves ruled by landowners who are often tyrants, the workers have every right to desire something more—especially since they may revolt against injustice, just as Zeus rebelled against Cronus and Prometheus against Zeus.

This appears in Thibault Laget-Ro’s works through a duality he handles like oxymorons: he depicts fairylands and earthly paradises inhabited by fantastic animals (The Birds and Hide and Seek), where men harvest luminous, precious fruits (The Crystal Balls), yet uncertainty lingers regarding the fate of the three men confidently advancing through tall grasses toward a clear goal: will they be engulfed by The Wave rising behind them? Is the man waving a lamp in the foreground of The Sons of the Titans trying to draw others closer—or warn them away? Is the figure in Balance on a Branch about to take flight or to fall? One can pull this thread of duality endlessly, listing the opposing pairs that appear throughout: gods/men, powerful/dominated, human/nature, West/colonies, free men/slaves, borders/migrants, living/dead…

Thibault Laget-Ro does not preach nor decide. He invites debate and questioning, reintroducing human dimension. He toys with the ambiguity between dream and reality—so intertwined that they can no longer be separated. The characters, like chameleons (Hide and Seek), blend into a landscape that even spills out beyond the frame to invade the exhibition space (The Forest of Vines). The artist connects individuals, worlds, shores, pictorial and real space. A human and humanist reading that he carries and shares with generosity. An invitation to dream…




Sarah Belmont
Sarah Belmont est journaliste et sillonne la planète pour Beaux Arts magazine mais aussi ARTnews, Le Parisien Magazine, Sotheby’s Magazine et The Art Newspaper International. En 2024, elle publie sur ce sujet le livre "Ni vu ni connu" aux éditions du Chêne.

LA DYNAMIQUE DU RÊVE

À chaque artiste, sa trajectoire. Fulgurante, évidente, sinueuse, tortueuse… La vocation de certains se dessine tôt. D’autres ont le déclic esthétique plus tard. Toute carrière est voyage : celui de Thibault Laget-Ro commence dans le domaine de l’économie, dont il se détourne, fort d’un diplôme de la Sorbonne et d’une brève expérience professionnelle, pour suivre des cours libres aux Beaux-Arts de Paris, auprès de Jean-Marc Thommen.

Ce virage participe d’un premier élan vers la liberté, concept qui se définit non par l’absence anarchique de règles, mais bien par la responsabilité de choisir ses propres normes, contraintes et repères. Thibault Laget-Ro a, lui, fait de la peinture son cadre. La peinture acrylique, pour la première fois appréhendée dans les triptyques de Jean Hélion. Une peinture qui sèche et se fige vite, qui doit fulgurer pour durer.

En France, Thibault Laget-Ro multiplie les salons, remporte ses premiers prix et monte ses premiers accrochages, dont « Les Anges ne crient pas » à la Galerie des Beaux-Arts (CROUS), en 2008, et « Quand les corps s’électrisent » à la Galerie Le Feuvre, en 2009. S’ensuivent de plus grands projets aux six coins de l’Hexagone, chaque région lui inspirant des solutions et des directions nouvelles.

C’est à l’étranger que les opportunités les plus décisives se présentent à Thibault Laget-Ro. Grâce à l’acquisition de l’une de ses œuvres par le collectionneur François Pinault, le jeune peintre se fraie un chemin jusqu’à la Biennale de Florence. En 2017, il entreprend une résidence au Musée d’Art Contemporain de Baie-Saint-Paul, qui lui achètera une toile, L’immersion. Du Canada au Maroc, en passant par le Nouveau-Mexique, les tremplins à l’international se succèdent.

De la liberté avant toute chose

Si les débuts d’un peintre ressemblent souvent à un jeu de pistes, l’heure de l’envol finit toujours par sonner. Pour Thibault Laget-Ro, la ville d’Aigues-Mortes marque un tournant capital. C’est là qu’a lieu, en août 2012, sa première exposition institutionnelle. Puis, le Printemps arabe, le conflit israélo-palestinien, la guerre de Syrie s’invitent tour à tour sous son pinceau, lui-même nourri par les photoreportages de Rémi Ochlik, Patrick Chauvel, Camille Lepage, entre autres. Ces actualités lui valent bientôt l’étiquette d’artiste engagé, alors que ce qu’il peint, au fond, c’est la liberté dans sa stricte contemporanéité – une liberté en marche, en équilibre, en mouvement.

Et pour cause ! Cette liberté aux mille et un visages flirte de plus en plus avec l’onirisme, à la fois source de projections innocentes vers le futur et remède contre la dureté insolente du quotidien. Rêve de liberté ? Liberté par le rêve ? Cette réflexion, entamée il y a une vingtaine d’années, s’enracine dans le constat d’une désillusion : les travailleurs agricoles venus s’installer en Amérique du Nord ont, pour la plupart, tout perdu. Dans ce contexte malheureux, l’espoir d’une situation meilleure a cédé la place au day dreaming, rêverie qui permet d’échapper à une réalité plus pénible que prévue.

La couleur sans frontières

D’un palier professionnel à l’autre, la couleur s’est affirmée comme un pilier. Thibault Laget-Ro s’était d’abord donné pour mission de retranscrire l’uniformité d’un monde aseptisé. Sa peinture s’est ainsi peuplée de personnages idoines, identiques, rouges d’abord, bleus ensuite. Au travers de tons marron, sa figuration s’est ensuite ancrée dans le réel. Seulement, depuis Nage à Alep (2014), Thibault Laget-Ro prend le contrepied de toute symbolique chromatique : un sujet grave peut admettre une palette vive, par exemple. Tout est une question d’intensité, d’énergie, de contrastes.

De la liberté au rêve, il n’y a qu’un pas, et vice versa. Heureux mariage entre les deux, consacré il y a peu dans un solo show au Centre d’exposition d’Amos, à Québec. Ce projet débarque à la Galerie Taglialatella dans un souffle que l’on pourrait qualifier d’oniro-dynamique. Il s’agit de la première exposition parisienne de Thibault Laget-Ro depuis 2009, qui aura pour prochaine étape le Centre d’art contemporain de Pontmain, sous le titre « Ce que j’ai vu s’efface encore ». Dans ses toiles s’impose à présent le flou, cet espace hors du temps où se croisent destins incertains, paysages inventés et créatures hybrides. Le ciel n’est plus bleu. L’herbe n’est plus tout à fait verte. Faut-il y lire la mythologie d’un ailleurs ?

Sarah Belmont
Sarah Belmont is a journalist who travels the world for Beaux Arts Magazine, but also ARTnews, Le Parisien Magazine, Sotheby’s Magazine, and The Art Newspaper International. In 2024, she published Ni vu ni connu on this subject with Éditions du Chêne.

THE DYNAMICS OF THE DREAM

Every artist follows a path of their own. Swift, obvious, winding, or labyrinthine… Some discover their vocation early, while others experience their aesthetic awakening much later. Every career is a journey, and Thibault Laget-Ro’s began in the field of economics, which he left behind—armed with a degree from the Sorbonne and a brief professional experience—to study freely at the Beaux-Arts de Paris under Jean-Marc Thommen.

This shift marked a first impulse toward freedom, a concept defined not by the anarchic absence of rules but by the responsibility of choosing one’s own standards, constraints, and coordinates. Thibault Laget-Ro chose painting as his framework—acrylic painting, first encountered in the triptychs of Jean Hélion. A medium that dries and settles quickly, one that must strike instantly to endure.

In France, Thibault Laget-Ro multiplied his participation in salons, earned his first awards, and staged his earliest exhibitions, including Les Anges ne crient pas at the Galerie des Beaux-Arts (CROUS) in 2008, and Quand les corps s’électrisent at Galerie Le Feuvre in 2009. Larger projects soon followed across the different regions of France, each territory inspiring new solutions and directions.

It was abroad, however, that the most decisive opportunities arose. After one of his works was acquired by collector François Pinault, the young painter made his way to the Florence Biennale. In 2017, he undertook a residency at the Musée d’Art Contemporain de Baie-Saint-Paul, which acquired his painting L’immersion. From Canada to Morocco and New Mexico, international stepping stones accumulated.

Freedom Above All

If the early steps of a painter often resemble a treasure hunt, the moment of lift-off inevitably comes. For Thibault Laget-Ro, the town of Aigues-Mortes signaled a turning point: it hosted his first institutional exhibition in August 2012. Soon after, the Arab Spring, the Israeli-Palestinian conflict, and the war in Syria appeared one by one under his brush, nourished by the photojournalism of Rémi Ochlik, Patrick Chauvel, Camille Lepage, among others. These subjects quickly earned him the label of “engaged artist,” though what he really paints is freedom in its contemporary form—freedom in motion, in balance, in transition.

And with good reason. This multifaceted freedom increasingly flirts with dreamlike imagery, at once a source of innocent projections toward the future and a remedy for the insolent harshness of everyday life. A dream of freedom? Freedom through dreaming? This reflection, initiated nearly twenty years ago, is rooted in the observation of a disillusion: most agricultural workers who settled in North America have lost nearly everything. In this difficult context, the hope for a better life has given way to daydreaming—a drifting of the mind that allows one to escape a reality harsher than expected.

Color Without Borders

From one professional milestone to the next, color has established itself as a cornerstone of Thibault Laget-Ro’s work. He initially set out to depict the uniformity of a sanitized world. His paintings thus became populated with suitable, identical figures — red at first, blue later. Through brown tones, his figurative style then became more firmly rooted in reality. Yet since Swim in Aleppo (2014), Thibault Laget-Ro has taken the opposite approach to any chromatic symbolism: a serious subject can, for instance, embrace a vivid palette. It all comes down to intensity, energy, and contrast.

From freedom to dream, there is only one step — and vice versa. A happy union between the two was recently affirmed in a solo show at the Centre d’exposition d’Amos in Quebec. This project arrives at Galerie Taglialatella in a breath one might describe as “dream-driven.” It marks Thibault Laget-Ro’s first Parisian exhibition since 2009, which will next travel to the Centre d’art contemporain de Pontmain under the title What I Have Seen Fades Again. Blur now asserts itself in his canvases — that timeless space where uncertain destinies, invented landscapes, and hybrid creatures intersect. The sky is no longer blue. The grass is no longer quite green. Should we read in this the mythology of an elsewhere?




Valérie Belmoktar
Au cœur du vivant
PYRAMYD Éditions, octobre 2023

« THIBAULT LAGET-RO explore le rapport de l'humain à son environnement à travers la migration. Il utilise son médium de prédilection, la peinture, sous forme d'aplats de couleur symboliques. Son traitement de la nature est imaginaire : l'artiste nous montre des ciels verts ou roses, ainsi que des plantes inventées.
Dans sa récente série des « Jardins », cette nature est fantasmée, c'est un paradis qui peut devenir un enfer. Les formes, faussement exotiques, sont envahissantes.
L'artiste montre des migrants trimant dans un environnement qu'ils pensaient être le paradis, mais dont ils se retrouvent finalement esclaves.
Au départ, le lien à la nature était plutôt inconscient dans le travail de Thibault Laget-Ro. Dans ses séries plus anciennes, la nature se mettait en effet au service du récit, pour montrer le décor des exodes en zone méditerranéenne. « Le désert, les montagnes, la mer, les forêts sont des dangers mortels pour qui n'est pas préparé à les affronter, même près de la Méditerranée », nous explique-t-il.
Dans ses derniers travaux, le rôle de la nature est devenu tout à fait conscient : « Lorsque je me suis intéressé aux personnes quittant l'Amérique centrale pour rejoindre les États-Unis, je me suis aperçu que le voyage imposait de partir d'une zone tropicale pour rallier une zone désertique, avec une somme de dangers liés aux éléments. Ces derniers se révèlent être l'axe de cette série : l'eau, avec la traversée des rivières; le feu, qui est à la fois source de chaleur dans les camps et source de terreur lors des émeutes; la terre à parcourir, etc. »
Ce changement de continent, nous dit-il, lui a fait prendre conscience que la nature n'était pas simplement un « décorum à la tragédie, mais qu'elle était aussi un personnage clé de cette tragédie ».
Il nous montre en effet que la nature peut s'avérer implacable et mettre au défi ceux qui tentent de l'éprouver.
Ainsi, ses dernières séries sur l'Amérique du Sud soulignent, à travers la forme et le fond, le rôle majeur que la nature joue dans la réussite ou l'échec du projet de migration, mais aussi sa capacité à nous faire rêver.
Thibault Laget-Ro est né à Tokyo, en
1976; il vit et travaille en France. Diplômé d'un master 2 en arts plastiques, art et création internationale à Panthéon-Sorbonne, Paris 1, il a également étudié à l'Institut des hautes études en arts plastiques de Paris. Il a suivi des cours pour adultes aux Beaux-Arts de Paris, et est aussi titulaire d'un DESS en sciences du management obtenu à Panthéon-Sorbonne, Paris 1.
L'artiste participe à de nombreuses expositions en France et à l'étranger, comme, à plusieurs reprises, avec la Drac Normandie et la galerie Nathalie Béreau, mais aussi, en 2013, à l'orangerie du Sénat.
Il a récemment présenté une exposition personnelle à la Fondation Montresso de Marrakech, et une autre au Centre national d'exposition de Saguenay, au Canada. Son travail fait partie de collections privées, fondations et artothèques. Il a effectué plusieurs résidences artistiques et a été lauréat de la Fondation Colas et du prix Houdart pour l'art contemporain ».

Valérie Belmoktar
At the Heart of the Living
PYRAMYD Éditions, October 2023

“THIBAULT LAGET-RO explores the relationship between humans and their environment through the lens of migration. He uses his preferred medium—painting—working with symbolic blocks of color. His treatment of nature is imaginary: the artist shows us green or pink skies, as well as invented plants.
In his recent Gardens series, this nature is fantasized—a paradise that can easily turn into a hell. The shapes, deceptively exotic, grow overwhelming.
The artist depicts migrants toiling in an environment they once believed to be a paradise, but in which they ultimately find themselves enslaved.

At first, the connection to nature in Thibault Laget-Ro’s work was rather unconscious. In his earlier series, nature served the narrative, setting the scene for exoduses across the Mediterranean region. “The desert, the mountains, the sea, the forests are deadly dangers for anyone unprepared to face them, even near the Mediterranean,” he explains.
In his more recent works, the role of nature has become fully intentional: “When I began focusing on people leaving Central America to reach the United States, I realized that the journey required crossing from a tropical zone into a desert zone, with a whole constellation of dangers linked to the elements. These elements became the axis of the series: water, with the crossing of rivers; fire, both a source of warmth in the camps and a source of terror during riots; the earth that must be crossed, etc.”

This shift of continent, he says, made him aware that nature was not merely a “backdrop to the tragedy, but also a key character within it.”
Indeed, he shows us that nature can prove implacable, challenging those who attempt to confront it.

Thus, his latest series on South America underline—through both form and content—the major role nature plays in the success or failure of the migration project, as well as its capacity to make us dream.

Thibault Laget-Ro was born in Tokyo in 1976; he lives and works in France. He holds a Master’s degree in Visual Arts, Art and International Creation from Panthéon-Sorbonne, Paris 1, and also studied at the Institut des Hautes Études en Arts Plastiques in Paris. He attended adult courses at the Beaux-Arts de Paris and additionally holds a postgraduate degree (DESS) in Management Sciences from Panthéon-Sorbonne, Paris 1.
The artist has taken part in numerous exhibitions in France and abroad—several times with the Drac Normandie and Galerie Nathalie Béreau, and in 2013 at the Sénat Orangerie.
He recently presented a solo exhibition at the Montresso Foundation in Marrakech and another at the National Exhibition Center of Saguenay in Canada. His work is included in private collections, foundations, and public art libraries. He has completed several artist residencies and has been awarded the Colas Foundation Prize and the Houdart Prize for contemporary art.”




Louis Doucet
Critique d'art

La peinture de Thibault Laget-Ro se situe dans la descendance du mouvement de la Figuration Narrative et, plus précisément, des travaux de Fromanger et de Guyomard. Elle en diffère cependant par plusieurs aspects.
Les figures qui peuplent ses peintures sont composées d’aplats de couleurs qui récusent toute profondeur physique mais exaltent leur expressivité. Contrairement à ses aînés, Thibault Laget-Ro ne peint pas des passants anonymes et inactifs, mais des personnages en mouvement, engagés dans des activités de la plus haute importance. Leurs corps se substituent à leurs visages absents pour nous transmettre leur message.
Ses travaux récents s’intéressent à la perception de la liberté, non pas considérée comme statique mais comme un processus fluide et continu. Pour ce faire, il oppose, au sein de la même composition, la représentation de personnes engagées dans des épisodes violents à d’autres qui les observent, souvent à distance, avec une indifférence détachée, dénuée de toute empathie.
Les convulsions de l’actualité récente, notamment le drame de l’errance des réfugiés, lui fournissent une mine de données factuelles. Il oppose alors les compte-rendus produits par les acteurs ou les témoins directs des événements et le traitement qui en est fait par les médias.
C’est de cet écart, véritable béance, que naît la rageuse expressivité de ses œuvres.

Louis Doucet
Art critic

Thibault Laget-Ro’s painting belongs to the lineage of the Narrative Figuration movement, and more specifically to the work of Fromanger and Guyomard. It diverges from it, however, in several key ways.
The figures that inhabit his paintings are constructed through flat areas of color that reject physical depth yet amplify their expressive power. Unlike his predecessors, Thibault Laget-Ro does not depict anonymous, inactive passersby, but characters in motion, engaged in activities of utmost importance. Their bodies stand in for their absent faces, conveying their message.

His recent works explore the perception of freedom, not as a fixed state but as a fluid and continuous process. To do so, he juxtaposes within a single composition individuals caught in violent episodes with others who observe them—often from a distance—with detached indifference, devoid of empathy.

The upheavals of recent events, particularly the tragedy of displaced refugees, provide him with a wealth of factual material. He confronts the accounts produced by direct participants or witnesses with the way these same events are mediated in the public sphere.

It is from this gap—a true chasm—that the fierce expressiveness of his work emerges.




Jean-Pierre Chambon
critique d'art et auteur

La surface des choses

Par ses coloris pastel et son traitement en aplats, la peinture de Thibault Laget-Ro semble parfaite, au premier coup d'œil, pour traduire l'insouciance et communiquer le merveilleux bonheur de notre société de consommation. Cet aspect lisse masque — pour le révéler autrement — un versant plus âpre de la réalité.

Sur le sable d'une plage ensoleillée, les vacanciers se prélassent ou s'ébattent. Le soleil, au bord des parasols multicolores, frit doucement les peaux graissées d'huile parfumée. Tout respire la joie de vivre. Quand débarquent soudain au milieu de cette image convenue du bonheur, arrivés de l'autre côté de l'horizon, des hommes, des femmes et des enfants harassés qui ont fui la guerre ou la misère sur des embarcations de fortune. De même, sous l'eau, un enfant qui paraissait folâtrer dans les vagues se révèle être un jeune migrant en train de se noyer, tombé sans doute de l'un de ces nouveaux radeaux de la Méduse qui s'aventurent dans la traversée du Mare Nostrum.
La mer n'a manifestement pas la même signification pour tous, selon le lieu où l'on est né. Voilà ce que semblent dire, à mots voilés, les toiles versicolores de Thibault Laget-Ro. Car la suavité des tons qu'il utilise, leur trompeuse gaieté, contrastent avec le sujet des scènes inspirées de grands reporters photographiques. Le traitement en aplats, qui bannit toute aspérité, vient accentuer encore ce décalage entre forme et fond, style et motif. On ne sait qui ment, du sujet ou de la couleur, et ce paradoxe fait jouer une note d'ironie.
La palette et la manière de Thibault Laget-Ro ne sont pas sans éveiller des échos du pop art et de la figuration narrative. Mais son choix procède avant tout d'une réflexion sur la couleur et d'une intention quant à la manière, graphique, synthétique, de rendre les figures, à l'écart du réalisme comme du symbolique. « Dans la figuration, argue le peintre, on a tendance à faire concorder une couleur et un sentiment pour valider une intention, à augmenter même les contrastes pour influencer le regard, comme on le fait dans le marketing. Pour ma part, j'utilise des couleurs qui ne correspondent pas à l'attendu du sujet. »
Dans le même esprit, les portraits que présente Thibault Laget-Ro — des portraits de migrants — apparaissent quasiment sans visage. Ou tout du moins sans personnalité, sans identité véritables, l'expression étant réduite à quelques traits soulignés d'ombre, quelques taches de couleur, et à la posture de la silhouette générale. Comme grimé, ou masqué, le visage n'est ici qu'une idée de visage. « Je ne suis pas un peintre engagé, je suis dans le constat, je ne suis que le témoin de mon époque », dit Thibault Laget-Ro. Ce parti pris de neutralité n'est évidemment qu'un leurre, un masque. L'absence de traits, ou presque, sur les visages des personnages dissimule un chaos innommable : elle camoufle les tourments d'un monde intérieur autant qu'elle éclipse la violence du dehors. La surface voile la profondeur. Et le reflet, qui aplatit la représentation, en atténue l'effet.

Jean-Pierre Chambon
Art critic and author

The Surface of Things

With its pastel hues and flat color fields, Thibault Laget-Ro’s painting may at first glance seem perfectly suited to convey lightheartedness and the blissful ease of a consumer society. This smooth appearance, however, conceals—while revealing it differently—a harsher side of reality.

On the sand of a sun-drenched beach, holiday-makers lounge or play. The sun, edging the multicolored umbrellas, gently fries skin slicked with perfumed oil. Everything breathes joy. Then suddenly, into the midst of this familiar picture of happiness, arrive men, women, and exhausted children—emerging from beyond the horizon, having fled war or poverty aboard makeshift boats. Likewise, beneath the water’s surface, a child who seemed to be frolicking in the waves turns out to be a young migrant drowning, likely fallen from one of those modern-day “rafts of the Medusa” that attempt to cross the Mare Nostrum.
The sea clearly does not hold the same meaning for everyone, depending on where one is born. This is what Thibault Laget-Ro’s varicolored canvases appear to suggest in veiled terms. For the softness of his tones, their deceptively cheerful air, contrasts sharply with scenes inspired by the work of major photojournalists. The use of flat areas, eliminating all roughness, heightens this disjunction between form and content, style and subject. One no longer knows which is deceiving—theme or color—and this paradox introduces a subtle note of irony.

Laget-Ro’s palette and manner inevitably echo Pop Art and Narrative Figuration. But his choices stem above all from a reflection on color and from a desire for a graphic, pared-down rendering of figures, distancing himself from both realism and symbolism. “In figurative painting,” the artist argues, “there’s a tendency to match a color with a feeling to validate an intention, even to increase contrasts to influence the gaze, just as marketing does. As for me, I use colors that do not correspond to what the subject would normally call for.”

In the same vein, the portraits Thibault Laget-Ro presents—portraits of migrants—appear almost faceless. Or at least devoid of true personality or identity, with expression reduced to a few shaded lines, a few patches of color, and the posture of the overall silhouette. As if made-up or masked, the face is only the idea of a face. “I am not an activist painter; I deal in observation. I am only a witness to my times,” Laget-Ro notes. This claim of neutrality is of course a decoy, a mask. The near-absence of facial features conceals an unspeakable chaos: it hides the turmoil of an inner world as much as it erases the violence outside.
Surface veils depth. And reflection, which flattens representation, softens its impact.



Benjamin Bardinet
Journaliste

"Les Rivages brûlants" : la trahison des images par Thibault Laget-ro
Le peintre français expose à l'Espace Vallès de Saint-Martin-d'Hères son travail très ancré dans le réel malgré les apparences.

Si un visiteur curieux, séduit par les tons pop-acidulés des peintures qu'il voit de l'extérieur, entre par hasard dans l'Espace Vallès, il se pourrait qu'il soit surpris par la dureté des sujets représentés. Car avec ses toiles grands formats où l'eau et le soleil sont omniprésents, Thibault Laget-ro questionne le rapport entretenu aux rivages d'un côté et de l'autre de la Méditerranée (on en a longuement parlé avec lui). En exacerbant la tension entre fond et forme, il engage ainsi une réflexion critique sur la perception de certaines réalités tragiques dans une société largement gouvernée par une sorte de "dictature du fun" qui impose que l'emballage soit attrayant.

Au-delà de ce travail pictural saisissant entre scènes de groupe, portraits et paysages, l'exposition, Les Rivages brûlants, présente également d'autres travaux de l'artiste. Dont une vidéo alternant visions subjectives d'une noyade et photographies prises en Centrafrique par Camille Lepage, jeune photoreporter qui y a tragiquement laissé la vie. Survenant à la manière de flashs, ces images peuvent autant être vues comme la mémoire d'une personne en train de se noyer que celle des derniers mois de la journaliste...
Quant aux installations, elles renforcent le côté cynique de l'artiste, à l'image de sa série de bouteilles qui détournent les grandes marques d'eau minérale (Salvetat devient « Salvini, la finement fasciste » en référence au ministre de l'intérieur italien), ou encore des deux œufs qu'il présente dans un même nid et dont l'unique différence est l'inscription « lucky » et « unlucky ». De quoi nous rappeler que, nés d'un côté ou de l'autre de la Méditerranée, nous sommes tous dans le même bateau…

Benjamin Bardinet
Journalist

“Burning Shores”: The Betrayal of Images by Thibault Laget-ro
The French painter is exhibiting at Espace Vallès in Saint-Martin-d'Hères a body of work that is deeply rooted in reality despite appearances.

If a curious visitor, charmed from outside by the pop-acid tones of the paintings, happens to step into Espace Vallès, they may be taken aback by the harshness of the subjects depicted. With his large-format canvases where water and sunlight are omnipresent, Thibault Laget-ro questions the relationship we maintain with the shores on either side of the Mediterranean (a topic we discussed with him at length). By heightening the tension between background and form, he provokes a critical reflection on how certain tragic realities are perceived in a society largely governed by a kind of “dictatorship of fun,” which demands that the packaging be enticing.

Beyond this striking pictorial work—between group scenes, portraits, and landscapes—the exhibition Burning Shores also showcases other pieces by the artist. Among them is a video alternating between subjective visions of a drowning and photographs taken in the Central African Republic by Camille Lepage, a young photojournalist who tragically lost her life there. Appearing like sudden flashes, these images can be seen either as the memories of a person who is drowning or as those of the journalist’s final months...

As for the installations, they reinforce the artist’s cynical edge—such as his series of bottles parodying major mineral water brands (Salvetat becomes “Salvini, delicately fascist,” a reference to the Italian Minister of the Interior), or the two eggs placed in the same nest, whose only difference is the inscription “lucky” and “unlucky.” A reminder that, born on one side or the other of the Mediterranean, we are all in the same boat…



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